OPERATION EXPERIMENTALE DE VALORISATION DE VIANDE BOVINE (HLC) ISSUE
D'UNE PRATIQUE DE GESTION EXTENSIVE ET ECOLOGIQUE DES FRICHES
Arthur Letzelter, PRN Vosges du Nord
Après cinq années de pratique active de gestion des milieux
enfrichés avec des bovins rustiques (HLC), un certain nombre d'animaux
devenus surnuméraires ont été abattus et valorisés
auprès d'un groupe de restaurateurs locaux.
Cette opération voulue expérimentale et reproductible
a été intitulée « Le Paysage ,a du goût
».
Elle a permis de tester les qualités intrinsèques de cette
viande de boeuf issue de la pratique extensive en matière de gestion
de l'espace, ceci auprès de tous les acteurs de la filière
(abattoir, boucher, restaurateur, consommateur).
En parallèle, il paraissait utile d'expérimenter la portée
d'un concept associant un produit consommable (de la viande) à la
notion de paysage, surtout dans une période où le consommateur
émet de grosses réserves sur l'origine -et la qualité
des produits qu'il achète et consomme.
QUEL PRODUIT ?
Depuis la mise en place de la Gestion écologique des friches
en 1991, tous les mâles issus de la multiplication du cheptel (actuellement
120) ont été castrés.
Nous avons donc pu mettre sur le marché des boeufs âgés
entre 4 et 5 ans et dont le poids de carcasse variait entre 280 et 325
kg.
Les animaux (uniquement nourris à l'herbe) étaient dans
un très bon état de finition, de sorte que leurs carcasses
étaient recouvertes d'un «gras de couverture ».
Le rendement en viande nette (poids de carcasse - les os, la graisse
et les déchets) était de 61%
La proportion de morceaux à cuisson rapide 29 % et celle des
morceaux à cuisson lente de 71%.
QUELLE DEMARCHE ?
Les animaux étant dehors toute l'année, il arrive que
leur contention puisse s'avérer difficile. Ceci explique la démarche
allemande qui consiste à abattre le bovin sur le lieu du pâturage
avant de le ramener à l'abattoir local.
A propos de l'abattage en prairie
L'abattage en prairie de bovins ne peut être mené que pour
des cas sanitaires et doivent être accompagnés d'une attestation
du vétérinaire. L'éviscération doit être
opérée rapidement (45 minutes maximum) et l'animal inspecté
par les services vétérinaires de l'abattoir. Il ne sera pas
tamponné avec l'estampille communautaire (circuit local).
Dans notre cas de figure, les animaux ont été attrapés
et acheminés un à un à l'abattoir le plus proche (30
km) puis abattus dans le service urgence, afin de leur éviter un
stress inutile, lié notamment par le passage dans un couloir trop
étroit pour leur cornage a grande envergure (1,30 à 1,50
m).
Ressuées et maturées correctement, les carcasses ont été
acheminées vers un boucher qui les a préparées de
manière à être directement utilisées en restauration
(désossées, découpées, mises sous vide et pour
certains morceaux, transformation en saucisse).
Le ressuage correspond à la phase de descente de temperature
de la carcasse pouvant hypothéquer la tendreté d'une viande,
si elle se produit trop rapidement. La maturation permet à
la viande de subir une série d'évolutions physicochimiques
contribuant à la rendre tendre et juteuse. Une viande peut maturer
jusqu'à 20 jours. Pour les bovins, un sejour de 11 jours en frigo,
en maintenant une temperature à coeur de 7ºC, permet d'atteindre
l'optimum de tendreté (qui n'évolue plus par après).
AVEC QUI ?
Le choix délibéré des restaurateurs s'inscrit dans
une logique de test de l'ensemble de la filière et notamment au
niveau de la transformation finale du produit.
Dix restaurateurs volontaires ont donc participé à cette
opération, sachant que:
la durée de l'opération se limitait à une vingtaine
de jours (du 13 novembre au l er décembre),
la période choisie (deuxième quinzaine de novembre) est
une saison creuse pour les restaurateurs,
les frais de communication vers la clientèle étant pris
en compte (par eux) à raison de 50%,
une redevance de 4 F / menu était reversée au SYCOPARC
au bénéfice d'opérations destinées à
la valorisation des paysages,
leur partenaire direct était le boucher ayant conditionné
les divers morceaux et préparé la saucisse.
LE BILAN
A chaque niveau de la filière se déclinent des logiques
économiques, sanitaires, techniques et commerciales. Il est important
de les comprendre et de les intégrer dans un projet d'ensemble.
Les principaux constats
au niveau du product
L'origine et l'histoire de nos quatre boeufs pouvaient être connues
de tout le monde, au point que dans l'assiette on pouvait associer au morceau
dégusté le nom de la béte...
Le respect de la traçabilité
En emmenant l'un des animaux à l'abattoir, une boucle de travail
a été perdue dans la bétailière. Si cette bouche
n'avait pas été retrouvée, l'animal ne pouvait quitter
l'abattoir. En effet, l'identification des animaux nécessite
la présence et la correspondence des boucles EDE (Etablissement
Département de l'Elevage) et de travail avec le DAB (Document d'Accompagnement
du Bovin). Si ce n'est pas le cas, les services vétérinaires
bloquent l'animal, peuvent (5000 F d'amende) et faire abattre en sanitaire.
Le plus souvent, ils mettent l'animal en consigne jusqu'à ce qu'on
éclaircisse le problème, sinon la carcasse finit à
1'équarrissage.
La qualité gustative de la viande de HLC (ici du boeuf) est équivalente
à d'autres races, si ce n'est qu'elle est plus forte en goût.
Le rendement viande nette par rapport au poids de carcasse (61%) est
inférieur au rendement d'un boeuf de race à viande sélectionnée
(69 %).
La proportion des morceaux à cuisson rapide est d'environ 30
% (par rapport à la masse de viande nette) alors qu'elle avoisine
55% pour des boeufs de race lourde.
La valorisation de telles carcasses du point de vue économique
est donc plus difficile, à moins d'imaginer des transformations
originales des morceaux à cuisson lente.
au niveau du boucher
Très satisfait de la qualité de la viande, de l'image
véhiculée par cette opération, de l'impact sur son
entreprise, mais réaliste quant aux possibilités de valorisation
des carcasses.
Ce produit, différent des carcasses traditionnelles, nécessite
pour le boucher une autre approche de la valorisation (nécessite
donc une nouvelle dose de créativité).
au niveau des restaurateurs
Très satisfaits quant aux effets de la communication et du succés
de l'opération.
Rarement une opération de promotion de ce type n'aura eu pareille
audience auprès du public.
Près de 600 kg de viande nette ont été valorisés
ce qui représente environ 3000 repas.
Augmenter la durée de l'opération est un souhait manifesté
par les restaurateurs plusieurs reprises.
D'autres restaurateurs ont également manifesté leur intérêt
pour promouvoir des opérations de ce type.
au niveau des consommateurs
Deux niveaux de réponse ont été fournis par les
consommateurs.
Tout d'abord leur adhésion à l'opération
en venant déguster le produit.
Ensuite leur appréciation écrite, dans le cadre
d'un questionnaire qui leur était remis aprés le repas.
Dans les deux cas, l'association des deux notions - produit de qualité
et paysage a été très bien ressentie et permet de
prétendre qu'à l'avenir, une grande partie des consommateurs
ne sera pas indifférente à l'idée de contribuer à
l'aménagement d'un cadre de vie de qualité tout en se faisant
plaisir et en ayant de surcroît la garantie d'un produit authentique.
Parc Naturel Régional des Vosges du Nord: La gestion écologique
des friches, solution innovante pour mantenir ouverts les espaces ne pouvant
plus etre entretenus par l'agriculture
SITUATION
Parc créé en 1975 en réponse aux mutations du territoire ; charte révisée en 1994 102 communes, 122 000 ha, 76 000 habitants - A cheval sur le Bas-Rhin et la Moselle. Trois grands secteurs paysagers
Piémont alsacien
Plateau
Massif forestier (70 % de la surface totale dont 80 % de forêt
domaniale)
CONTEXTE
Depuis 20 à 30 ans, mutation de l'occupation du sol dans les
fonds de vallées du massif forestier et du plateau: à la
fois, intensification de l'activité agricole (en plateau) et disparition
de la pluriactivité agricole (en massif forestier). Ces évolutions
ont conduit à l'abandon des fonds de vallées difficiles à
exploiter, traditionnellement entretenus par la fauche ou le pâturage.
Cette mutation s'est traduite par d'importants désordres paysagers
et écologiques: boisements parcellaires, désordres hydrauliques,
remblaiements, implantation anarchique d'infrastructures de loisirs (étangs,
chalets ... ).
Une pression politique et sociale croissante en faveur du maintien des
espaces ouverts et d'une reconquête de ces espaces.
Une volonté forte et partagée (par les é1us
locaux, le monde agricole, et les autres acteurs de l'espace) d'inscrire
les initiatives (juridiques, techniques et financières) dans
une cohérence globale.
La nécessité de trouver, en complement des dispositifs
incitatifs existants (OGAF, mesures agri-environnementales, fonds de gestion
de l'espace rural), un dispositif durable, sur le plan économique
et écologique, de reconquête des fonds de vallées.
LA GESTION ECOLOGIQUE DES FRICHES
Obectifs
Dans les communes où il n'y a plus d'agriculteurs, mettre en oeuvre un dispositif reconquête de fonds de vallée en friches permettant la réouverture paysagère.
Préserver, voire favoriser les potentialités écologiques
de ces milieux.
Méthode
Dans le cadre d'un schéma communal (cf. infra) de gestion des espaces ouverts et des
priorités écologiques et paysagères qu'il aura
définies, des zones de gestion respecteuse de l'environnement sont
déterminées.
La municipalité se charge de la mobilisation des parcelles concernées
et de l'obtention de l'accord de leurs propriétaires pour la mise
en pâturage.
Sous maîtrise d'ouvrage communale, des travaux de remise en état
peuvent être entrepris, pour preparer la zone de paturage, en mobilisant
les moyens de reconquête paysagère existants (Fonds de gestion
de l'espace rural...).
La commune prend en charge la preparation du parc à animaux (clôtures,
contention).
Dans le cadre d'une convention, le Syndicat de cooperation pour le Parc met à disposition un cheptel de bovins rustiques, de race Highland. Le Parc est propriétaire de ces bovins.
La commune désigne une ou deux personnes, souvent d'anciens agriculteurs,
spécifiquement chargées de la surveillance quotidienne du
cheptel.
Démarrage de l'opération en 1991
Cheptel : 108 bovins de race Highland
Superficie entretenue par ce type de pâturage : 140 ha répartis
sur 15 communes.
CONTEXTE GLOBAL DE LA MISE EN PLACE DE LA GESTION ECOLOGIQUE DES
FRICHES
La gestion écologique des friches fait partie d'une démarche
d'ensemble pour la maîtrise de 1'évolution du territoire.
Cette démarche comprend des outils d'aide à la décision
qui permettent la mise en oeuvre cohérente et réfléchie
d'outils pour l'action.
DES OUTILS D'AIDES A LA DECISION DES ECHELLES COMPLEMENTAIRES
Le niveau du Parc correspond au niveau de definition des objectifs:
la charte et le plan du Parc, é1aborés sous la maîtrise
d'ouvrage du Syndicat de Coopération pour le Parc, fixent les grands
principes d'aménagement et de gestion des paysages (échelle
1/50000).
Le niveau de l'intercommunalité est adapté aux réflexions
sur l'espace et le paysage (approche par vallée...): les plans paysagers
(1/25000) et les programmes d'actions intercommunales qui en découlent
sont approuvés par les Etablissements publics de coopération
intercommunale ou par les communes d'une vallée, d'un secteur paysager.
Le niveau communal correspond à 1'échelle opérationnelle
: des schémas de gestion des espaces naturels é1aborés
sous la maîtrise d'ouvrage des communes permettent une réflexion
participative des acteurs concernés sur la gestion des espaces naturels
de la commune: partager les diagnostics, définir ensemble les objectifs
et les priorités d'intervention, hiérarchiser les mesures
à pre.ndre, mobiliser les différents moyens d'intervention.
DES OUTILS POUR L'ACTION
Outils réglementaires Plans d'Occupation des Sols, Réglementations
des boisements, Plans d'exposition aux risques...
Dispositifs incitatifs existants : Mesures agri-environnementales, Fonds de gestion
de l'espace rural...
Dispositifs créés au nivel local: Gestion écologique des friches.