CIRVAL - BP 5 - F - 20250 CORTE
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Les secteurs fromagers dans les zones à fortes
contraintes sont aujourd'hui en face de nombreux défis pour l'avenir
de leurs activités. Le secteur laitier des petits ruminants dans
le Bassin Méditerranée est particulièrement caractéristique
de cette situation. En s'appuyant sur ce cas qui constitue le principal
secteur d'activités du CIRVAL, on montrera pourquoi et comment un
partage de l'information scientifique, technique et économique entre
les différents bassins contribuera efficacement à la nécessaire
organisation des filières; ce partage, essentiel pour que les opérateurs
apprécient leur propre situation au sein du secteur, passera vraisemblablement
par une redéfinition des formes de dialogue, d'échanges et
de confrontation.
1 -Un atout à conforter, des environnements
à construire:
Le secteur laitier ovin et caprin est très diversifié en Europe. Tout d'abord un secteur industriel structuré et ancien coexiste avec des formes de production traditionnelles et artisanales ; mais le fait pastoral est un élément de base de la culture méditerranéenne qui globalement a permis la préservation de produits originaux et typiques liés à leur lieu de production
Ces fromages bénéficient d'une bonne image
auprès des consommateurs et sont implantés sur des créneaux
de marché assurant souvent de bonnes valeurs ajoutées (voir
Tableaux n°2 et n°3); c'est cette valorisation qui permet le maintien
de cette activité dans des régions aux faibles potentialités
agroclimatiques. Cette remarque s'applique aussi en grande partie au secteur
fromager au lait de vache dans les zones difficiles (Mahon aux Baléares,
Ragusano en Sicile, Beaufort dans les Alpes, etc...).
Mais dans de nombreuses régions, ni la production ni la transformation ou la commercialisation ne sont organisées. A l'inverse, 3 produits d'appellation de type industriel conditionnent le marché (voir tableau n° 1) . Jusqu'à une période récente, cette situation ne posait pas de problème majeur ; dans un marché en forte croissance, ces trois fromages avaient une forte notoriété et peu de problèmes de débouchés.
Mais depuis plusieurs années déjà, cette situation a changé .
La saturation du marché intérieur et la
baisse des restitutions européennes (Pecorino Romano), des changements
dans les habitudes des consommateurs sur un marché du bleu très
encombré (Roquefort) et la concurrence de produits laitiers à
base de lait de vache (Fêta ) déstabilisent rapidement les
rentes commerciales qui s'effondrent (baisse de 12 % du prix de la Fêta
en 1996, de 20% du lait de brebis en Sardaigne, etc..). Dans ce contexte,
en absence d'organisation commune des marchés, le secteur industriel
cherche logiquement à se diversifier et tire les prix à la
baisse. Ainsi de nombreux produits d'imitation des produits traditionnels
sont proposés aux consommateurs qui ne les identifient pas toujours
clairement.
Il faut donc que les acteurs économiques s'organisent
pour faire reconnaître la spécificité des produits
locaux et assurent leur promotion et leur distribution en dehors des marchés
locaux où ils sont mal connus.
Au niveau de l'encadrement, les Services de développement agricole
disposent de peu de références sur des modèles spécifiques
: en élevage ovin, on ne se réfère qu'au seul modèle
Roquefort et en caprin, au modèle intensif du Poitou Charentes.
Les acquis de ces deux exemples pourraient être bénéfiques
pour l'ensemble des bassins mais la mise en oeuvre d'un transfert de technologie
cohérent implique qu'existent des services de suivi technico économique
performants.
De plus, les réglementations européennes
relatives aux normes sanitaires et d'hygiène vont imposer nécessairement
une modernisation rapide des équipements (directive CEE 92/46).
Le poids financier et la maîtrise de ces investissements sont fréquemment
des causes de déséquilibre pour les unités de transformation
artisanale ou fermière.
Le défi essentiel que doit relever le secteur est
bien celui de sa professionnalisation.
2 -Organiser le partage de l'information
a - Elaborer l'information et disposer des références
indispensables .
Des besoins en données technico économiques
L'élevage ovin/caprin dans les zones à fortes
contraintes manque de données pour
Pour cela
il parait essentiel que les structures de développement
s'organisent et proposent aux éleveurs et éleveurs - transformateurs
des services adaptés à leurs besoins :
Renforcer le positionnement des fromages et leur renommée
:
Les différents bassins de production doivent impérativement conforter leurs niches commerciales tout en améliorant leur compétitivité globale. Pour éviter que les produits d'imitation n'épuisent rapidement leurs notoriétés, l'organisation de démarches collectives est indispensable.
Elles conduisent d'abord à une identification des
produits à travers, par exemple la mise en place de signes de qualités
et à des études de caractérisation des fromages. Ce
sont également des démarches collectives qui peuvent assurer
la promotion des produits en dehors des marchés locaux et les structures
et permettre une distribution régulière.
De nombreuses initiatives émergent dans plusieurs
régions (plan Qualità Latte en Sardaigne, création
de nombreux syndicats d'Appellation, etc...) mais elles doivent être
confortées par un partenariat actif entre les acteurs de la production,
de la transformation du développement et de la recherche.
a - Construire des espaces de dialogue, d'échanges
et de confrontation.
Pour atteindre ces objectifs, une ouverture en dehors de bassins souvent isolés est indispensable. Il est nécessaire que se créent des réseaux dans lesquels participeraient des chercheurs, mais aussi des agents techniques, des acteurs économiques (transformateurs, éleveurs, responsables professionnels).
Il s'agit alors de diversifier les formes d'espace de rencontres pour combler l'immense déficit d'informations.
Les nouvelles technologies de l'Information comme Internet
sont souvent présentées comme LA Solution à ces questions.
Notre expérience nous incite à une plus grande prudence ;
il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que les infrastructures,
mais aussi les mentalités permettent réellement l'appropriation
de ces outils en dehors du secteur scientifique. En diffusant des informations
simples et structurées, auprès de relais locaux, en organisant
une concertation permanente entre professionnels, techniciens et scientifiques,
il est possible d'identifier les marges de manoeuvre stratégiques
d'un secteur porteur de beaucoup de craintes.
Contribuer à la création de ces espaces
est une des fonctions essentielles du CIRVAL pour permettre le partage
de l'information. A travers deux axes de travail ambitieux, l'organisation
logistique d'un Observatoire des systèmes de production ovins et
caprins et l'animation d'un pôle de compétence sur les fromages
et produits laitiers ovins et caprins, il s'agit bien de mettre à
disposition des filières ces outils d'interface indispensables.
C'est une démarche longue et difficile, confrontée
à des contraintes structurelles, financières, institutionnelles.
Mais aujourd'hui les secteurs laitiers et fromagers dans les zones difficiles
doivent rapidement réussir leur modernisation .
Il ne s'agit pas d'une modernisation qui serait assimiler
à une machinerie impersonnelle et anonyme, qui détruirait
les traditions et conduirait à une homogénéisation
des modes de production, des savoir faire, des goûts. La modernisation
dont il est question ici est une démarche qui enrichit la tradition,
la nourrit collectivement d'innovations en prenant en compte les intérêts
de ceux qui la mettent en oeuvre.
Tableau 1
Production des fromages aux laits de brebis et de chèvre
en Europe:
Quantités produites |
tonnes |
Fromages aux laits de brebis et de chèvre en Europe
( F.A.O. - 1995) |
442 000 |
Fromages d'appellation (D.O.P.): | 197 000 |
Fêta | 78 000 |
Pecorino Romano | 26 000 |
Roquefort | 19 000 |
Pecorino Sardo | 18 000 |
Manchego | 3860 |
Fiore Sardo | 2 000 |
autres D.O.P. | 50 000 |
D.O.P. : Dénomination d'origine protégée
Diversité de la valorisation des laits de brebis et de chèvre
et des performances techniques dans quelques systèmes
régionaux:
Tableau n°2 : résultats économiques
Région et Système: | Valorisation du lait (écus/litre) | Marge Brute/UTH (ECU) | Année et Source | Système de production |
Murcia | 0,42 -0,46 | 29881 | 1995CIDA/CIRVAL | Caprin laitier artisanal |
Navarre - ovin laitier | 0,79 | 19429 | ITGV | Fromager |
Navarre - ovin fromage | 1,37 | 19666 | ITGV | Laitier |
P Basque Français Bearn
transhumant laitier |
0,89 | 10943 | 1995/SICACREOM | Traditionnel laitier |
PBasque Français Béarn
Ovin fromage |
1.76 | 18461 | 1995/SICACREOM | Traditionnel fromager |
Corse - laitier | 1.04 | 15000 | 1995/CA2A/CIRVAL | Ovin Laitier |
Basilicate - fromager | 1,1- 1,95 | 13286 | 1995CIRVAL | Ovin Laitier |
Sardaigne - laitier | 0;85 (1996)
0,68 (1995) |
20318
18639 |
1995IZCS - ARA | Ovin laitier |
Tableau n° 3 : performances techniques des troupeaux
Système de Production | Lait Total | Lait / Brebis présente | Concentré : kg/ brebis | Concentré : kg/litre
moyenne et (extrèmes) |
Navarre
Ovin lait |
23366 |
72 |
110 |
1,5 ( 0,8 - 2) |
Ovin fromage | 17002 | 75 | 106 | 1,4 ( 0,8 - 2) |
Pays Basque /Béarn
Ovin transhumant laitier |
18000 |
90 |
70 |
0,8 |
montagne/ fromage | 20000 | 125 | 70 | 0,6 |
Basilicate
fromager |
14300 |
100 |
70 |
0,7 ( 0,3 - 1,5) |
Corse
laitier |
14 000 |
80 |
80 |
1 (0 -2) |
Sardaigne ovin lait | 60802 | 202 | 121 | 0,6 (0,2 - 1,5) |
( sources : Enquêtes et suivis technico économiques )